Le Vietnam a instauré une date afin de célébrer la Femme vietnamienne et la remercier pour son apport au développement du pays – passé comme présent. En effet, les femmes ont eu et ont un impact décisif dans l’histoire, l’économie, la démographie et les normes sociétales du Vietnam plus que dans n’importe quel autre pays asiatique. Cette célébration a lieu le samedi 20 Octobre cette année, l’occasion pour nous de retracer le parcours des femmes vietnamiennes vers leur émancipation et vers la quête de l’égalité des genres.
De la femme au foyer serviable et aimante à la guerrière soutenant l’effort de guerre
Au début du XXe siècle, la femme vietnamienne avait pour rôles principaux d’être une bonne épouse, une bonne mère et d’entretenir la maison. Peu d’entre elles allaient à l’école ou étaient formées en vue de travailler et de gagner leur vie.
Pendant la guerre, que ce soit celle contre la France puis celle contre les Etats-Unis, le rôle des femmes prit un tournant décisif : elles étaient non seulement les mères, mais devenaient également chef de famille et moteur économique du pays travaillant dans les champs et les usines, remplaçant les époux partis au front.
« La femme vietnamienne est sur tous les fronts. Femme, mère de famille et travailleuse active, elle est proactive pour la communauté. » "La femme vietnamienne : une ode au courage au nom de l’égalité des sexes", Femmes Alpha, juin 2017
Les révolutionnaires
Cela correspond à l’effort de guerre typique que l’histoire relate dans toutes les guerres passées ? Oui mais non, les vietnamiennes ne se sont pas contentées de servir d’arrière-plan mais sont allées se battre sur le front. La guérilla et les milices vietnamiennes du Sud étaient composées à 40% de femmes, et ces dernières occupaient bien souvent les postes de commandement des forces armées. L’histoire retient notamment le nom de Nguyen Thi Chien, chef de la guérilla communiste et première Major-Générale femme du Vietnam.
Photos de Viet Cong femmes
Les guerrières aux cheveux longs
Nguyen Thi Dinh nait en 1920 à Ben Tré, au Vietnam, dans une fratrie de 10 garçons. Sa famille est pauvre et ne peut pas l’envoyer à l’école. A l’âge de 16 ans, elle intègre les mouvements révolutionnaires puis les rangs du parti communiste. Elle est sélectionnée comme capitaine pour mener les troupes combattre dans le Nord. Elle sera emprisonnée entre 1940 et 1943 par les autorités coloniales françaises. En 1954, elle participe grandement à la fondation du Front national de libération du Sud-Viêt Nam (plus connu sous le nom de Viet Cong) alors qu’étaient signés les Accords de Genève marquant ainsi la fin de l’administration coloniale par la France. A partir des années 1965, elle commande la force armée exclusivement féminine de l’Association de Libération des Femmes du Sud Vietnam, spécialisé dans l’espionnage et le combat contre les forces américaines. Ho Chi Minh les surnommait les « guerrières aux cheveux longs ».
Nguyen Thi Dinh
Le Parti communiste et l’Union des femmes vietnamiennes, deux acteurs majeurs dans l’obtention des droits de la femme au Vietnam
Parallèlement à cela, les droits des femmes évoluent rapidement, notamment grâce à deux acteurs : le Parti communiste et l’Union des femmes vietnamiennes. En janvier 1960, le président Ho Chi Minh promulgue la loi sur la famille et le mariage. Celle-ci consacre 4 principes fondamentaux : la liberté du mariage et du divorce, la monogamie, l’égalité de l’homme et de la femme, et les droits des enfants. Dès lors les femmes sont juridiquement égales aux hommes dans le mariage comme dans le travail.
« Sont abolis les vestiges du système matrimonial féodal basé sur l’arbitraire, la supériorité de l’homme sur la femme, le mépris des droits des enfants » (art. 2) - lu dans « Le Vietnam entre la guerre et la paix, L’évolution du statut de la femme dans la République démocratique du Vietnam » par Georges Boudarel, p.505, 1970.
L’Union des femmes vietnamiennes, créée le 20 octobre 1930 – date choisie pour la fête annuelle de la femme vietnamienne – a elle aussi largement contribué à la promotion de l’égalité Homme-Femme et à l’intégration de ces dernières dans la société active. Elle est à l’origine de la création du musée des femmes du Vietnam à Hanoi, inauguré en 1995. Ce musée, permettant de comprendre le rôle majeur joué par les vietnamiennes dans la libération et l’indépendance du pays, a été classé parmi les 25 musées les plus intéressants d'Asie en 2013 et, a reçu le Traveller's Choice Award en 2014.
"C'est aussi un centre d'échange culturel entre femmes vietnamiennes et internationales pour l'égalité, le développement et la paix". (site web du musée).
Les femmes vietnamiennes, le pilier de la société vietnamienne moderne
Après la fin de la guerre, les femmes refusèrent de reprendre leur rôle d’avant-guerre, réclamèrent des postes à responsabilité, plus de liberté, et devinrent petit à petit les piliers indispensables au développement du Vietnam. Aujourd’hui, ce sont elles qui dirigent la société vietnamienne, que ce soit en termes économique, familial ou éducatif.
« La femme vietnamienne est la plus libre, la plus puissante de toutes les femmes ayant reçu l’influence confucéenne en Asie. Elle a participé à toutes les guerres, aux luttes pour sa survie », Geneviève Marquis, géographe canadienne.
La première femme Présidente du Vietnam
Aujourd’hui il ne reste plus que le monde de la politique qui semble réservé aux hommes. C’était du moins le cas jusqu’à la semaine dernière, puisque le Parti a nommé Dang Thi Ngoc Thinh, une femme, en tant que Présidente de la République par intérim - remplaçant ainsi Tran Dai Quang décédé le 21 septembre dernier des suites d’un cancer. Elle est la première femme dans l'histoire du Vietnam à devenir Présidente de la République et la première femme chef d'Etat dans un pays communiste depuis Soong Ching-ling, en Chine.
Dang Thi Ngoc Thinh
Un quart des PDG au Vietnam sont des femmes
Le Vietnam apparait ainsi en avance sur de nombreux « pays développés » sur le sujet de l’égalité des genres. The Boston Consulting Group a montré dans un rapport en 2017 qu'un quart des PDG au Vietnam sont des femmes, surpassant ainsi la représentation des femmes aux postes de direction générale dans des pays tels que la Malaisie, Singapour et l'Indonésie. Aussi, selon une étude menée par Deloitte ("Women in the Boardroom: A Global Perspective"), le Vietnam a la plus forte proportion de femmes dirigeantes en Asie.
La couverture du Forbes Vietnam présentant les femmes les plus influentes du Vietnam.